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son élévation à la suprême puissance par le fait seul de la parole n’était-elle pas un miracle, et le plus étonnant de tous ? Plusieurs lettres lui venaient, qui le déclaraient un Messie. Tels voyaient distinctement au ciel la constellation Robespierre. Le 2 août 1793, le président des Jacobins désignait, sans le nommer, le Sauveur qui allait revenir. Une infinité de personnes avaient ses portraits appendus chez elles, comme image sainte. Des femmes, des généraux même, portaient un petit Robespierre dans leur sein, baisaient, priaient la miniature sacrée. Ce qui est plus étonnant, c’est que ceux qui le voyaient sans cesse et l’approchaient de plus près, ses saintes femmes, une baronne, une Mme Chalabre (qui l’aidait dans sa police), ne le regardaient pas moins comme un être d’autre nature. Elles joignaient les mains, disaient : « Oui, Robespierre, tu es dieu. »

Que de telles scènes se passassent chez les bonzes de l’Inde, aux pagodes du Thibet, rien de mieux ; mais à Paris, le lendemain de Voltaire, en plein Contrat social! et que ce fût le fils même de Rousseau et du rationalisme, le logicien de la Révolution, qui acceptât, encourageât de son silence ces outrages à la raison, cela était honteux et triste. Là certainement était la laideur de Robespierre.

Car qu’était-ce, même sans parler de raison, à ne consulter que le cœur ? Tolérer cette idolâtrie, n’était-ce pas abuser de l’affaiblissement où l’excès des maux, la Terreur, avait mis ces pauvres âmes,