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chef Lanne, allaient se trouver investis d’un droit que, seul jusque-là, le souverain Comité de sûreté exerçait au nom de la Convention, — droit qui différait infiniment peu de celui de vie et de mort.

L’expérience, faite en petit d’abord, in anima vili, sur les galériens de Bicêtre, était heureusement choisie pour effrayer peu. Le Comité de salut public, tout entier, signa l’autorisation. Il était fort effrayé de la retraite de Robespierre et croyait peut-être le rappeler par cette concession.

Énorme concession. Et elle ne suffit pas. Cinq jours après le Comité fut forcé de donner à Herman le droit d’interroger tous les citoyens dénoncés qui arriveraient à Paris. C’étaient (moins les accusés d’Arras et d’Orange) tous les accusés de la France qui devaient passer devant lui. Herman, par ce droit d’examen préalable, était constitué réellement une espèce de grand juge ou dictateur judiciaire [1].

L’extrait de l’arrêté du Comité qui autorisait Herman et Lanne à faire leur enquête à Bicêtre fut signé de Robespierre, qui fît signer avec lui Barère et Lindet. Lanne devait procéder à Bicêtre avec l’accusateur public. Mais celui-ci, Fouquier-Tinville, étonné de la forme insolite d’un tel acte, ne voulait bouger qu’avec une nouvelle autorisation, celle du Comité de sûreté qui n’osa la refuser.

Seize noms de galériens étaient écrits sur l’arrêté ; mais on y lisait de plus : « Et tous autres

  1. Archives, Registres du Comité de Salut public, 30 prairial.