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une terre qui en eût valu, en numéraire, plus de cinq cent mille. Royalistes et Girondins, gentilshommes et procureurs, usuriers et assassins, toute la lie des partis marchait d’ensemble à la conquête des biens nationaux. Ces coalitions ne pouvaient être poursuivies que sur la scène de leurs crimes. Le grand nombre des détenus, le nombre plus grand des témoins qu’il eût fallu faire voyager ne permettait pas d’appliquer la loi qui concentrait à Paris la justice politique. Il fallait juger sur les lieux, mais par des juges étrangers au pays. C’est ce que demanda Maignet. Immédiatement les comités, sur cette demande, appuyée de Couthon et de Payan, créèrent un tribunal révolutionnaire à Orange.

Cette création était une chose hardie où les comités avaient outrepassé leurs pouvoirs. La loi leur permettait de conserver un tribunal qu’ils jugeraient nécessaire, mais non pas d’en créer un. Encore moins leur permettait-elle d’organiser ce tribunal dans une forme toute nouvelle et de s’en faire législateurs.

Ils n’en adoptèrent pas moins celle que proposa Payan. Plus d’instruction écrite. Plus de jurés. Une forme toute sommaire.

Telle fut l’origine réelle et le premier essai de la loi de prairial, en vigueur dans la Provence dès le 3 juin, quoiqu’on ne l’ait demandée à la Convention que le 10.

Il y avait pourtant une différence notable. Le tribunal d’Orange, organisé dans un pays menacé par la Terreur blanche qui y commençait, avait l’excuse