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pourtant pas né cruel, et il était fils du dix-huitième siècle, du grand siècle d’humanité. La haute idéalité, l’amour du bien qu’il en avait reçu, il ne pouvait les satisfaire qu’en quittant cet âpre rôle d’implacable accusateur. Là pourtant était sa force et peut-être, en un tel moment, le salut de la Révolution. De là des mouvements doubles et contradictoires, qui donnèrent prise sur lui[1]. Il osa parfois en ce sens, mais timidement, et fut humain en dessous. On l’y surprit en octobre, en décembre, encore, et il se réfugia vite dans son rôle d’accusateur. C’était fait dès lors. Toute voie pacifique lui fut fermée pour l’avenir. Il fut violemment lancé vers le pouvoir politique, qui n’était alors rien autre que celui du glaive. De quelque part qu’il se tournât, la férocité du destin lui mit en mains le couteau.

« Dictateur ? Oui, si tu veux, mais dictateur de l’échafaud. Pontife ? Oui, si tu veux, mais pontife de la guillotine. »

La sanglante loi de prairial, lancée le 10 à l’Assemblée, en réponse aux injures du 8, ne fut pas cependant, comme l’ont dit quelques-uns, un fait tout accidentel, un simple piège où il crut faire tomber ses ennemis. Elle était dans la voie rigide

  1. Par exemple, Reverchon, bon robespierriste, à Lyon, et, dans le Jura, Robespierre jeune, en étaient encore à la modération, pendant que leur chef, poussé par de nouvelles circonstances, redevenait terroriste. Reverchon écrivait des lettres étonnées, désespérées, voyant Robespierre encourager les exagérés de Lyon qu’il décourageait la veille. Tels étaient les mouvements faux, contradictoires, destructifs les uns des autres, qui désorganisaient le parti.