CHAPITRE IV
FÊTE DE L’ÊTRE SUPRÊME (10 JUIN 1794).
Ce que le peuple espérait. — Robespierre attend le tribunal, fait attendre l’Assemblée. — Irritation, désappointement. — Au retour, la fureur éclate.
Nulle fête n’excita jamais une si douce attente,
nulle ne fut jamais célébrée avec tant de joie. La
guillotine disparut le 19 prairial au soir. On crut
que c’était pour toujours. Une mer de fleurs (à la
lettre le mot n’est pas exagéré) inonda Paris ; les
roses, de vingt lieues à la ronde, y furent apportées,
et des fleurs de toutes sortes, ce qu’il fallait
pour fleurir les maisons et les personnes d’une
ville de sept cent mille âmes. Toute fenêtre devait
avoir sa guirlande ou son drapeau. Toutes les
mères portaient des roses, les filles des fleurs
variées, les hommes des branches de chêne, les
vieillards des pampres verts. Entre les deux files
immenses, des hommes à droite, des femmes à
gauche, marchaient l’orgueil des mères, leurs fils,
enfants de quinze à seize ans, joyeux de porter
un sabre ou des piques ornées de rameaux.