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citait Barère, ce mot qui n’est guère d’un enfant : « Je n’ai été chez Robespierre que pour voir comment était fait un tyran. »

Ce mot, vrai trait de lumière, sortit la situation de l’hypocrisie. Maître de toutes les forces publiques, Robespierre n’apparaissait pas encore un tyran. Son austérité, sa simplicité de vie et d’habit, la mesquinerie même de sa personne, tout éloignait l’idée du pouvoir suprême. Mais la Renaud le nomma, et Barère le répéta, tous le dirent après Barère, tous regardèrent Robespierre, comparèrent la figure au nom, le trouvèrent juste, dirent : « Oui, c’est un tyran ! »

Saint-Just arriva le 27, quand le coup était porté. Il répéta sa recette au Comité : « Nous périssons, c’est fait de nous, si nous n’avons un dictateur… Et le seul, c’est Robespierre. »

Le 25, on l’eût écouté. Le 27, la majorité du Comité tourna le dos, décidée à ne pas entendre. Le plus indulgent fut Barère, qui lui dit, tout en respectant ce délire de patriotisme, qu’une telle proposition devait faire longuement songer.

11 n’y avait rien à faire du côté du Comité. Saint-Just resta peu de jours et ne voulut pas assister à la fête de l’Être suprême. Parfaitement isolé du parti robespierriste, il jugeait avec un sens profond que tout le monde allait voir dans cet acte un retour vers le passé.

Robespierre avait sa voie invariablement tracée vers l’abîme.