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La question était de savoir si l’opinion admettrait vraiment cette flétrissure, si des classes respectées naguère seraient avilies tout à coup, si la pitié sans cesse réveillée par ce spectacle ne plaiderait pas tout bas les circonstances atténuantes, si les opprimés d’hier ne prendraient pas parti pour leurs oppresseurs.

Quand le rêveur apporta son idée au Comité de salut public, avec la sécurité du somnambule qui marche les yeux fermés, il se heurta tout à coup. Pas une voix n’était pour lui.

Avait-il communiqué la chose à Robespierre ? Je ne le crois pas. Leurs idées étaient déjà visiblement opposées, autant que leur point de départ. Saint-Just partait de Lycurgue, Robespierre de Jean-Jacques Rousseau. Saint-Just croyait que la Révolution périssait si elle ne procédait à son épuration radicale, à l’anéantissement de ses ennemis, anéantissement moral, qui est le seul vrai et complet. Robespierre, au contraire, s’imaginait diviser l’ennemi, en partie le rallier. Son disciple proscrivait les prêtres ; lui, il voulait les rassurer, non seulement en général par sa fête de l’Etre suprême, mais par des moyens plus directs dont nous parlerons tout à l’heure.

Autre différence. Saint-Just proscrivait les nobles, les anoblis, tout privilégié. Robespierre, comme on va voir, demanda quelques exceptions.

Dévoilant timidement ses secrètes idées d’indulgence, il n’en prétendait pas moins garder une ligne