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bant plus sur des brutes, comme celles du Moyen-Âge. Le plaisir n’était plus de jouir, mais de briser. Misérables générations, lie dernière d’un monde fini, sans cœur, sans imagination et dépourvues de sens même, qui du plaisir ne savent plus rien que la douleur, et pour qui, dans leur vice impuissant, un enfer commence.

Dans les châteaux des Condé, d’une de leurs dames d’honneur, naquit le héros du genre. M. de Sade, de la noble famille d’Avignon illustrée par la Laure de Pétrarque, était un aimable viveur ; seulement ses gaietés de prince le brouillaient avec la justice. La première fois, une femme qu’il battait et torturait se jeta par la fenêtre. Pour cent louis, il en fut quitte. Une autre fois, il donne à dîner à des filles de Marseille et, pour rire, les empoisonne. Le Parlement d’Aix se fâche ; de Sade se sauve, et, sur la route, il enlève sa belle-sœur. Comme il recommençait toujours, le roi, las de le gracier, l’avait mis à la Bastille. Qu’un tel homme vécût encore, rien ne prouvait mieux la nécessité de détruire l’arbitraire hideux de l’ancienne monarchie. Il vivait, mais enfin, la justice rentrant en ce monde, le premier essai de la guillotine lui appartenait de droit.

Prisonnier de la Bastille, il se posa en victime. On accueillait crédulement toute menterie de ce genre. Il fut bien reçu, dit-on, de M. Clermont-Tonnerre et des constitutionnels ; bien reçu des hommes de 1793, assez bien pour présider sa