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Le découvreur de cette idée, grande, terrible, féconde, qui, sur son chemin, supprimait l’immortalité des corps et le Jugement dernier, Lavoisier, était la Révolution elle-même contre l’esprit du Moyen-Âge.

C’est lui qui, sans s’arrêter aux superstitions locales, avait vidé le vieux Paris de ses morts, enlevé tous ses cimetières, pour les verser aux catacombes.

Quelle révolution plus grande que celle qui introduit au fond même de la composition des êtres l’homme jusque-là errant autour ? Il les palpait, il les pénètre ; le voilà dans leur essence, tête à tête avec le Créateur… Que dis-je ? le voilà créateur et devenu lui-même le rival de la nature !

Cette science, à ce moment, faisait ses premiers miracles. Aussi féconde d’applications que sublime en son principe, elle enfantait, de moment en moment, des armes pour la Patrie. Elle lui mettait en mains la foudre. Elle fouillait à fond la France et elle en tirait de quoi terrifier l’Europe. Ce n’était pas seulement une science que Lavoisier avait faite, il avait engendré un peuple. Une immense tribu de chimistes, les élèves du salpêtre, comme on les appelait, remplissaient tout de leur activité. Partout les chaudières et les appareils où le salpêtre était fondu. Partout les députations qui portaient à l’Assemblée ces offrandes patriotiques. Une grande fête fut donnée à l’école, qu’on eût pu appeler la fête de la chimie. « Un siège, un trône, y était