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autrichienne qu’on méprise tant, était fortement appuyée sur les populations d’Alsace ; son général Wurmser était du pays, y avait toutes ses racines. L’offensive brillante en Allemagne que prit Hoche et qu’on arrêta était chose plus faisable certainement que la tentative de prendre, comme en un filet, une armée très aguerrie par la nôtre, formée d’hier, les vieilles moustaches hongroises par nos toutes jeunes recrues.

Hoche, arrêté dans ses succès, fut furieux, écrivit brutalement qu’il briserait son épée, qu’il irait vendre du fromage chez sa tante la fruitière (papiers de R. Lindet). Le Comité, indigné, effrayé de ce langage nouveau, l’éloigna de ses soldats « pour un autre commandement ». Ce commandement fat aux Garnies, dans une écurie de six pieds carrés.

Malgré cette cruelle injustice et tant d’extrêmes misères, avouons que cette France de 1793 était grande à ce moment : à Toulon, Dugommier, le vaillant créole, qui bientôt donna l’offensive la plus brillante à l’armée d’Espagne ; aux Pyrénées, notre vieux général Dagobert, audacieux à quatre-vingts ans, vénéré, adoré de tous et mourant dans la victoire, pauvre, enterré avec les sous que donna chaque soldat ; Soubrany, Milhaud, toujours en avant, le sabre à la main, irréprochables et farouches représentants de la Montagne, ne regardant que l’ennemi, ignorant toutes les intrigues, les mouvements de l’intérieur, couvrant la France de leurs corps et l’étendant de leurs conquêtes.