Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et nul avec eux. L’un, blême, épuisé, ayant donné son fruit, un homme désormais ouvert, tout entier révélé et vide. L’autre, ce jeune génie, obscure et redoutable énigme de l’avenir, qui venait de tuer Danton (lui seul et non pas Robespierre). Et maintenant il regardait son maître, attendait, exigeait son oracle… Robespierre sentait bien qu’il devait se renouveler, trouver, créer quelque chose, ou qu’il périrait. Mais peut-on créer sans Dieu ?

Rappelons en peu de lignes sa destinée depuis le 31 mai. Deux spectres l’avaient poursuivi.

Le spectre de la guerre sociale, qu’il ne combattit qu’en subissant longtemps la misérable alliance d’Hébert, par qui il écrasa Jacques Roux, pour qui il ménagea Ronsin, s’engrenant dans une série d’étonnantes contradictions, à Lyon surtout, où les amis de Chalier furent tantôt combattus, tantôt défendus par lui.

Un autre spectre le suivait, la corruption publique, mal naturel d’un peuple esclave lancé tout à coup dans la liberté. Robespierre vit partout la corruption et la poursuivit partout, spécialement chez ceux qui notaient ses contradictions. Crut-il vraiment que tous ses ennemis étaient des hommes vendus ? Je le pense. Sa terrible imagination lui fit croire tout ce qu’il avait intérêt de croire. Ils disparurent. Mais après ? Qui les remplaça ? Personne. On a retrouvé les listes qu’il faisait et refaisait des hommes qui restaient possibles. Ce sont toujours les mêmes noms, infiniment peu nombreux. Cette stérilité est