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tait, avec la victime de l’humanité, celle de la justice héroïque. Phelippeaux mourait pour n’avoir pas composé avec le crime, pour avoir refusé de fermer les yeux sur notre armée trahie, livrée ; lui seul, dans l’indifférence publique, eut du cœur pour nos soldats ; il fut juste parce qu’il fut tendre, et juste jusqu’à la mort.

Combien il a raison dans ses dernières lettres de se recommander de Dieu ! d’espérer dans l’immortalité de l’âme !… Camille même, souvent si léger, eut cette foi au dernier moment (ses lettres en témoignent aussi). Mourant pour l’humanité, ils sentaient profondément que Dieu était de leur parti. « Danton, dit un homme qui l’a bien connu, Danton regarda le ciel… Ah ! qu’il en avait droit !… Il avait embrassé la pitié comme un autel où tout peut être expié… Il aurait sauvé Robespierre ! »

Le grand rêve de Danton (ce fait singulier se trouve aux registres de la Commune), c’était une table immense où la France réconciliée se serait assise pour rompre, sans distinction de classes ni de partis, le pain de la fraternité.

Trois choses restent aux dantonistes :

Ils ont renversé le trône et créé la République ;

Ils ont voulu la sauver en organisant la seule chose qui fait vivre : la justice, une justice efficace, parce qu’elle eût été humaine ;

Ils n’ont haï personne, et entre eux ils s’aimèrent jusqu’à la mort. La belle inscription grecque est la leur : « Inséparables dans la guerre et dans l’amitié. »