Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toire, a égaré ici tous les narrateurs. Nous rétablissons les faits d’après les pièces tirées des archives de la guerre[1].

En même temps que Saint-Just et Lebas, membres des hauts comités, arrivaient à Strasbourg, à l’armée du Rhin (fin octobre) deux représentants montagnards, Lacoste et Baudot, qui prenaient la direction de l’armée de la Moselle. Toutes deux étaient commandées par deux soldats : celle du Rhin, par le flegmatique et politique Pichegru, dont l’extrême dépendance plaisait à Saint-Juste. Lacoste et Baudot avaient obtenu que le commandement de la Moselle fût donné à Hoche, ex-Garde-française, qui avait fait merveille à Dunkerque. C’était un jeune Parisien de vingt-six ans, d’une capacité extraordinaire, d’une ardeur terrible ; il avait écrit jadis à Marat, depuis à Carnot, qui fut étonné et dit : « Ce sergent-là ira loin. »

  1. Ces pièces sont les lettres de Baudot et Lacoste (décembre 1793). Non seulement elles rectifient l’histoire militaire, mais elles dévoilent l’irritation des représentants contre les missions supérieures et princières des membres des comités : « Croiriez-vous que les généraux ont dédaigné de nous faire part de leurs opérations pour en instruire Saint-Just et Lebas, qui étaient à huit lieues du champ de bataille ? Voilà les effets de la différence des pouvoirs. Notre mission paraît en sous-ordre et soumise à la bienveillance des chefs à qui l’on prétend tout rapporter. Nous ne sommes pas d’humeur à laisser ainsi avilir la représentation nationale. Nous répondrons à ces petites intrigues en partageant le pain et la paille du soldat, en forçant les généraux à faire leur devoir et nos collègues à marcher d’égal à égal. » (Archives de la guerre.) M. Moreaux, fils du brave et patriote général de ce nom (ce n’est pas Moreau, le Breton, général des alliés en 1812), a bien voulu me communiquer ces lettres avec celles de son père, dont je profiterai plus tard. Moreaux, outre le malheur d’une telle homonymie, a celui encore qu’on oublie qu’entre autres faits d’armes, il a contribué, avec Marceau, à prendre Coblentz.