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homme de cœur de ne pas au moins défendre ses jours ! »

Les prisonniers rougirent de cette leçon d’une femme et se résolurent d’agir. Il paraît toutefois qu’ils ne voulaient commencer qu’après Lucile, lorsque, d’abord se jetant au milieu du peuple, elle aurait ameuté la foule.

Dillon, brave, parleur, indiscret, tout d’abord en jouant aux cartes avec un certain Laflotte, entre deux vins, lui conta toute l’affaire. Laflotte l’écouta et le fît parler. Laflotte était républicain ; mais là enfermé, sans issue, sans espoir, il fut horriblement tenté. Il ne dénonça pas le soir (3 avril), attendit toute la nuit, hésitant encore peut-être. Le matin, il livra son âme en échange de sa vie, vendit son honneur, dit tout. Sa déposition fut sur l’heure portée à Saint-Just, qui, armé ainsi, n’hésita pas un moment à frapper le coup de Robespierre.

Toute assemblée, dans ces jours néfastes, est ordinairement peu nombreuse. Au 5 septembre, au 21 décembre, la Convention n’avait que deux cents membres présents. Au 4 avril, selon toute apparence, surtout aux heures du matin, elle n’était guère peuplée. Le découragement était profond chez les Montagnards. Ils avaient vu, surtout le jour d’Héron, et le 31 mars encore, qu’au premier mot de Robespierre la droite, le centre, les muets, votaient comme un seul homme avec le petit groupe des robespierristes. Cela se vit exactement de même le 4 avril.