Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/208

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une femme leur en donna. La jeune femme de Desmoulins errait, éperdue de douleur, autour de ce Luxembourg. Camille était là, collé aux barreaux, la suivant, lui écrivant les choses les plus navrantes qui jamais ont percé le cœur de l’homme. Elle aussi s’apercevait, à cet horrible moment, qu’elle aimait violemment son mari. Jeune et brillante, elle avait pu voir avec plaisir l’hommage des militaires, celui du général Dillon, celui de Fréron, qui, l’épée à la main, sur les redoutes emportées de Toulon, lui écrivait sa victoire. Fréron était à Paris et n’osa rien faire pour eux. Dillon était au Luxembourg, buvant en vrai Irlandais et jouant aux cartes avec le premier venu. Un seul de ceux qui admiraient Lucile l’adorait du fond du cœur ; c’était son mari. Lucile fut pour beaucoup dans l’audacieuse inspiration du fatal dernier numéro. Camille s’était perdu pour la France et pour Lucile.

Elle aussi se perdit pour lui.

Le premier jour, elle s’était adressée au cœur de Robespierre. On avait cru autrefois que Robespierre l’épouserait. Elle rappelait dans sa lettre qu’il avait été le témoin de leur mariage, qu’il était leur premier ami, que Camille n’avait rien fait que travailler à sa gloire, ajoutant ce mot d’une femme qui se sent jeune, charmante, regrettable, qui sent sa vie précieuse : « Tu vas nous tuer tous deux ; le frapper, c’est me tuer, moi. »

Nulle réponse. Elle écrivit à son admirateur Dillon : « On parle de refaire septembre… Serait-il d’un