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La réaction elle-même commençait dans le discours de Robespierre. On y disait tenir le pouvoir, non de l’Assemblée, mais de la patrie. Précisément comme l’empereur Napoléon l’a dit si souvent dans le Moniteur.

Le soir, Legendre, aux Jacobins, roula dans la bouc. Tout à coup enthousiaste du décret contre ses amis, il dit ces paroles : « Tout adversaire du décret aura affaire à moi… Je me charge de le dénoncer. »

Pour prouver à la Convention qu’on voulait bonne justice, on l’amusa d’une loi nouvelle contre les faux témoins. À quoi bon ? Pas un témoin ne fut produit dans l’affaire (sauf un contre Fabre) ; on en avait appelé deux cents contre Hébert. Ici, ni témoins ni pièces.

Quand ils furent transférés tous du Luxembourg à la Conciergerie et que Danton entra sous la voûte qu’on ne repassait que pour mourir, il dit cette parole : « C’est à pareil temps que j’ai fait instituer le tribunal révolutionnaire[1]… J’en demande pardon

  1. Le tribunal révolutionnaire avait toujours existé en France, c’est-à-dire que la Raison d’État y avait toujours dominé le Droit. On peut dire même que ces tribunaux révolutionnaires de l’Ancien-Régime étaient plus choquants et par la légèreté aristocratique des juges et par l’atrocité des peines. Tout cela était naïvement absurde, horrible. De Mesmes et Maupcou, revenant le matin du petit théâtre de la duchesse du Maine ou de chez la Du Barry, par-dessus l’habit de Scapin, passaient l’hermine à la hâte, et, selon l’intrigue du jour, politique ou religieuse, pendaient, rouaient ou brûlaient. Il manquait là cependant une laideur qui vint plus tard : un jury manipulé. Ce grand peuple, qui a été le docteur et le pape du Droit au seizième siècle, qui a trouvé, promulgué, au dix-huitième siècle, la Loi pour toute la terre, n’en a pas moins un organe faible, quelque peu atrophié et qui ne revient pas bien : le sens de la Justice criminelle et civile.