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d’artillerie, le Corse Buonaparte, esprit prodigieusement inquiet, s’était donné à Barras, à Fréron (c’est-à-dire aux dantonistes). Robespierre jeune arrivé, il devint robespierriste et fit passer un plan au Comité de salut public contre celui de son général Dugommier. Voyant pourtant le vent souiller à gauche, le prévoyant jeune homme crut qu’il ne suffisait pas du patronage des deux Robespierre. Le soir même du jour où il entra à Toulon, il écrivit à la Convention une lettre infiniment violente et signée du nom de Bru tus.

Barras et Fréron, sans s’inquiéter de la politique des deux Robespierre et de leurs vues de clémence intéressée, exécutèrent la loi à la lettre et fusillèrent tout d’abord huit cents hommes pris les armes à la main.

La chose fut plus claire encore à Strasbourg. Saint-Just apparut, non comme un représentant, mais comme un roi, comme un dieu. Armé de pouvoirs immenses sur deux armées, cinq départements, il se trouva plus grand encore par sa haute et fière nature. Dans ses écrits, ses paroles, dans ses moindres actes, en tout éclatait le héros, le grand homme d’avenir, mais nullement de la grandeur qui convient aux républiques. L’idée d’un glorieux tyran, telle que Montesquieu l’a donnée de Sylla dans son fameux Dialogue, semblait toute réalisée en cet étonnant jeune homme, sans qu’on démêlât bien encore ce qui était du fanatisme, de la tyrannie de principes et de celle du caractère. Un