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la prise qu’ils donnaient était trop belle pour qu’on les lâchât. Ils avaient tenté la Mort.

Le manifeste que Saint-Just lut contre eux, une heure avant l’arrestation, indiquait sans trop de mystère un plan d’extermination impartiale des exagérés et des indulgents. On commençait par les premiers, mais la pièce était peut-être plus violente contre les autres ; les exagérés se contentaient d’affamer Paris ; les indulgents faisaient plus, ils corrompaient la République.

Les accusations sinistres, les mots sanglants de famine qui circulaient dans les groupes à la porte des boulangers, Saint-Just n’hésite pas à les ramasser pour les jeter à la tête de l’ennemi. « On fait des repas à cent écus par tête. On mange la vie du peuple. Tel patriote, avec une feuille, gagne trente mille livres de rentes… Et ailleurs, on vit de châtaignes », etc.

Tout arme lui semble bonne, même un mot de lois agraires : « Donnez des terres à tous les malheureux ! »

On dirait un mauvais rêve, écrit dans une nuit d’orage, parmi les allants et venants, sur la table du Comité. Le décret est un vrai chaos, où les affaires spéciales de police (comme l’arrivage des denrées à Paris) marchent de front avec les mesures les plus générales de la politique. Les délits moraux s’y confondent avec les crimes d’État, par exemple la corruption des citoyens et la subversion de l’opinion publique avec la subversion des pouvoirs publics.