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elle des collègues infiniment commodes. Ils signaient, le plus souvent sans lire, ce qu’elle leur envoyait, la soutenant de leurs noms honorables et de leur probité connue, de leur concert apparent, en même temps que le succès de leurs travaux la comblait de gloire.

Tout travaillait à favoriser cette dictature des trois. La violence du terrorisme poussée par Billaud, Collot, la protection que le Comité de sûreté donnait aux petits tyrans de localité, jetaient les populations dans le désespoir et les faisaient d’autant plus regarder en haut vers cette trinité secourable.

Qui recrutait, alimentait les quatorze armées de la France ? Les réquisitions (en hommes, chevaux, grain, argent, draps, souliers, etc.). Point de réquisitions

    Réquisition. Pour l’habillement, Lindet et Carnot firent requérir chaque district d’habiller, équiper un bataillon, un escadron. Pour les subsistances, le grain fut requis et versé de proche en proche, de sorte qu’il refluât du centre aux armées. Pour les transports, on requit le vingt-cinquième cheval et le douzième mulet, ce qui fit cinquante-quatre mille tètes. Ces mesures violentes furent adoucies, autant qu’elles pouvaient l’être, par la sagesse de Lindet. Il remédia à l’abus qui, dans les commencements, faisait faire au cultivateur, pour la réquisition des grains ouïes transports militaires, des quarante et cinquante lieues. Chaque district charria son grain seulement jusqu’aux limites de son arrondissement. Nul autre transport ne fut exigé au delà de dix lieues. Cette tyrannie nécessaire fut conduite avec une douceur ferme qui remplit d’admiration. Les districts de Commercy et de Gondrecourt avaient refusé leurs grains ; les agents de ces districts étaient en péril de mort. Lindet les fit venir à Paris, les éclaira, leur expliqua les nécessités générales, les sauva et les renvoya pleins de repentir. — La situation de Lindet était double et difficile. Qui lui permettait de faire ces réquisitions ? La Terreur… Qui l’empêchait de profiter des ressources qu’il eût trouvées dans le commerce ? La Terreur… Dès son entrée aux affaires, il avait essayé d’intéresser des négociants à s’associer pour nous faire venir ce qui nous manquait, d’Afrique, d’Italie, des États-Unis. Mais, d’une part, nos corsaires irritaient les neutres, les dépouillaient sans pitié, leur faisaient éviter nos côtes ; d’autre part, les aveugles terroristes menaçaient de guillotiner les agents mêmes de Lindet, pour crime de négociantisme.