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il eût sur-le-champ imprimé sous terre (les royalistes imprimaient bien). On ne provoque pas un tel homme. Il fallait ou l’adorer ou d’un coup sûr et rapide le clouer vivant sur l’autel.

Une chose paralysa le puissant pamphlétaire, c’est qu’il n’avait pas encore perdu le respect. Au fond même, il aimait encore. S’il eût, dès la première attaque et sans avertissement, touché le texte redoutable qui agit en Thermidor (les dévotes de Robespierre, les momeries du parti, etc.), le coup eût porté si droit que le blessé n’eût pu le rendre.

Celui-ci, on n’en peut douter, était dans cette terreur. Il avait immolé Fabre. À quoi bon avoir mis le drame sous clé, si le pamphlet courait Paris ? Camille était un enfant sans doute, on se plaisait à le redire ; oui, mais meurtrier dans ses jeux ; s’il égratignait d’abord, ne pouvait-il aussi, pour rire, appliquer son pédagogue contre un mur infranchissable, l’écraser et l’aplatir à une consistance si mince que, transparent, diaphane, la joyeuse lumière du soleil le perçât sur chaque point ?

Il ne fallut pas moins qu’une telle anxiété pour finir l’indécision de Robespierre, lui faire mettre les fers au feu. Une chose aussi le décida, l’accueil imprévu que Carrier reçut à la Convention (23 février). Si elle amnistiait un tel homme, il était évident qu’elle était décidée à innocenter tous les représentants en mission, qu’hébertistes et dantonistes sur ce point étaient d’accord, que tous allaient se serrer, ne connaissant plus qu’un ennemi, le dictateur. Robespierre se décida,