Ces choses n’arrivaient point à Lyon. L’homme de Lyon n’était pas, comme Tallien, l’enfant dépravé de la nature, c’était son maudit, son Caïn. La figure déshéritée de Fouché (quoique intelligente) effrayait d’aridité. Le prêtre athée, le dur Breton, le cuistre, séché par l’école, tous ces traits étaient repoussants dans sa face atroce. Réussir fut tout son symbole. C’était un homme au fond très froid, d’un positivisme horrible[1]. Il s’était fait hébertiste, croyant que c’était l’avant-garde. Successeur de Gollot à Lyon, il fut brisé par Robespierre, revint conspirer contre lui, et plus que personne travailla au 9 thermidor. Rien n’honore plus Robes-
- ↑ Il est juste pourtant de reconnaître que, sans lui, sans les Parisiens qui entrèrent dans la commission temporaire de Lyon et dans le tribunal révolutionnaire, la fureur des vengeances locales aurait été bien plus loin. Le plus sévère des cinq juges était un Lyonnais. Tous les départements voisins envoyant des accusés au tribunal de Lyon, ce ne fut pas sans peine qu’il limita le nombre des condamnations à dix-huit cents, nombre énorme, et toutefois énormément inférieur au nombre de ceux qui périrent à Nantes. J’ai sous les yeux un jugement de ce tribunal (celui de Marie Lolivie, femme Coibel), jugement fortement motivé et qui ne s’accorde guère avec ce qu’on a dit de la précipitation aveugle des juges. Quant à Collot et Fouché, leur justification fut toujours celle-ci : « Nous ne jugions pas ; il y avait un tribunal, et nous n’avions pas le droit de faire grâce. » Fouché suivit le progrès de l’opinion et vers la fin réprima ceux qui voulaient continuer l’effusion du sang. Rien ne contribua plus à cet adoucissement que l’humanité de nos soldats. Un jeune Lyonnais pris les armes à la main allait être condamné. Un dragon républicain, qui ne l’avait jamais vu, s’avance et répond pour lui, dit qu’il le connaît, qu’il est patriote. Le Lyonnais était 31. de Gérando, l’illustre philosophe, l’oncle du jeune homme plus illustre encore que nous avons perdu en 1848, de Gérando-Téléki, l’auteur des beaux livres sur la Hongrie, le martyr de la liberté.
dans une horrible fureur, jure, sacre et frappe l’enfant. L’assistance, qui n’était pas tendre, trouve pourtant que le citoyen représentant se laisse emporter trop loin dans sa colère patriotique. Le tout était une farce pour faire passer l’élargissement de la prisonnière, qui déjà était ordonné. Ceci m’a été conté à Bordeaux par une personne très digne de foi.