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s’immolaient pour sauver des hommes. Que ce malade, à tant de femmes, dans ces dernières six semaines, ait encore joint des prisonnières, il est difficile de le croire. On n’aurait pas manqué de mettre ce fait en lumière au procès de Carrier.

Ajoutez qu’elles étaient dans un état effroyable. Le typhus les protégeait ; elles le portaient avec elles. Exténuées, défaillantes de misères et de diarrhée, elles sentaient la mort à dix pas ; on brûlait huit jours du vinaigre où elles avaient passé.

Il paraît cependant que les noyeurs, Lamberty, le jeune Robin, eurent le féroce courage de s’attaquer à ces mourantes. Ils disaient qu’ils voulaient les républicaniser. Ils mettaient une joie sauvage à avilir ces grandes dames qui avaient lancé la Vendée. Ils respectèrent la résistance d’une femme de chambre des Lescure et se montrèrent impitoyables pour une marquise renommée pour son fanatisme, qui avait fait la campagne dans un beau carrosse, et qu’on appelait par emphase Marie-Antoinette.

Il n’y eut guère de noyades après Savenay[1]. Les

  1. On peut dater sept noyades ; rien de certain au delà. Le comité ne fit que les deux noyades des prêtres. Les autres semblent avoir été faites par les hommes de Lamberty.

    Combien de noyés ? De deux mille à deux mille huit cents, selon le calcul le plus vraisemblable.

    Tous les noyés périssaient-ils ? On peut en douter. Cela dépendait du lieu et de la manière dont se faisait la noyade. Ce qui est sûr, c’est que deux des prêtres noyés ont vécu dans Nantes jusqu’aux derniers temps. — La mortalité totale à Nantes, en 1793, a été de douze mille. Mais ce chiffre officiel n’en est pas moins fort douteux. Les fossoyeurs, recevant tant par tête de mort qu’ils inhumaient, étaient fort intéressés à exagérer le nombre, et ils le pouvaient assez aisément dans le désordre qui régnait alors.