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on réunit la garde nationale, dans la matinée du dimanche 2 juin. On employa aussi la ruse. À la section de l’Observatoire, les canonniers assurèrent qu’ils ne menaient les canons qu’à la place du Panthéon, et, contre l’ordre précis de la section, les menèrent au Carrousel.

Dans plusieurs sections, on ne mit en mouvement la garde nationale qu’en lui disant qu’il y avait aux Champs-Élysées un rassemblement royaliste contre la Convention. À la section des Halles et ailleurs, on fit croire aux pauvres gens qu’il s’agissait d’obtenir un tarif des denrées et d’abattre à jamais l’hydre de la fiscalité.

Ces dispositions modérées du peuple, très bien connues des Girondins, étaient précisément ce qui mettait le comble à leur incertitude. Ils dînèrent ensemble le 1er juin, et Louvet les pressa vivement de fuir dans leurs départements et de revenir en armes délivrer la Convention. Il fut tout seul de son avis. Ce retour aurait-il lieu sans effusion de sang ? N’était-ce pas la guerre civile ? Plusieurs d’entre eux, qui plus tard ne repoussèrent plus ce moyen cruel, en avaient horreur encore. Plusieurs disaient (et dirent toujours ) le mot qu’ils ont gravé sur les murs de leur prison : La mort et non le crime ! (Potius mori quam fœdari !) Ils aimaient mieux rester et boire, quelle qu’elle fût, toute la coupe du destin. Fuir ? lorsqu’on sentait qu’on avait le peuple pour soi, lorsque la plus grande partie des quatre-vingt