Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/89

Cette page a été validée par deux contributeurs.

touchante à l’irréprochable amitié, font trop sentir, par moments, que ce grand homme est une femme, que cette âme, pour être si forte, hélas ! n’en était pas moins tendre.

Ce qui touche le plus dans cette cruelle tragédie, ce qui fera pleurer la France éternellement, c’est que les victimes périssant ainsi n’accusèrent jamais le peuple. Jamais les Girondins ne purent croire que le peuple fût contre eux. L’infaillibilité du peuple, ce grand dogme de Rousseau, où ils avaient été nourris, resta leur foi jusqu’à la mort.

En réalité, la population de Paris n’avait pris presque aucune part au 31 mai. Le faubourg Saint-Antoine, un moment trompé, s’était montré décidément favorable à la Convention. Les sections, forcées d’agir, préféraient visiblement, entre les deux insurrections, la modérée, la morale, c’est-à-dire la jacobine. Les Jacobins, arrivés à la Commune, en étaient devenus les maîtres. L’Évêché portait tête basse. Hébert, dont l’approbation avait enhardi, décidé le mouvement de l’Évêché, était devenu un sage, un modéré, un Jacobin. Tous paraissaient convertis. Ils repoussèrent avec indignation les propositions violentes d’attaquer les Tuileries, d’arrêter des députés. Pache dit : « Arrêter les vingt-deux, c’est armer les départements, commencer la guerre civile. » Chaumette, entendant renouveler les mêmes propositions, dit qu’il les dénonçait au peuple. Mais l’assistance, loin de les blâmer, les applaudissait. « Voyez, dit Chaumette, ils ne sentent pas qu’ils