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les plus braves en présence de la mort. Le sombre bonheur du martyre, une sorte de joie virile de donner leur sang pour la France les ramenait chaque matin sur ces bancs si menacés, sous les injures des tribunes, sous la pointe des poignards, à la bouche des pistolets dirigés sur eux d’en haut. Tous n’étaient pas intrépides ; avocats ou gens de lettres, nourris dans les douces habitudes de la paix, quelques-uns (comme Rabaut) ministres de l’Évangile, ils étaient peu préparés à braver ces scènes terribles ; plusieurs tremblaient et néanmoins venaient conduits par le devoir, apportaient leur tête en disant : « C’est ici le dernier jour. »

Les plus braves, sans comparaison, ce furent les Roland, qui jamais ne daignèrent découcher ni changer d’asile. Madame Roland ne craignait ni la prison ni la mort ; elle ne redoutait rien qu’un outrage personnel, et, pour rester toujours maîtresse de son sort, elle ne s’endormait pas sans mettre un pistolet sous son chevet. Sur l’avis que la Commune avait lancé contre Roland un décret d’arrestation, elle courut aux Tuileries, dans l’idée héroïque (plus que raisonnable) d’écraser les accusateurs, de foudroyer la Montagne de son éloquence et de son courage, d’arracher à l’Assemblée la liberté de son époux. Elle fut elle-même arrêtée dans la nuit. Il faut lire toute la scène dans ses Mémoires admirables, qu’on croirait souvent moins écrits d’une plume de femme que du poignard de Caton. Mais tel mot, arraché des entrailles maternelles, telle allusion