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voir, ne rien faire, pour briser Vergniaud. Ils repoussèrent cette royauté morale du génie. Ils préférèrent, en ce jour, la royauté de la force.

Robespierre avait vaincu. Pour la première fois depuis le matin, au bout d’une séance si longue, il prit la parole. Il se sentait bien fort, ayant pour lui non seulement la fureur de la Montagne et la brutalité de l’invasion populaire, mais la trahison du centre, le suicide volontaire de l’Assemblée elle-même.

« Je n’occupe pas l’Assemblée de la fuite de ceux qui désertent ses séances (Vergniaud rentrait à ce moment)… Supprimer les Douze, ce n’est pas assez ; il faut les poursuivre… Quant à remettre la force armée aux mains de la Convention, je n’admets pas cette mesure. Cette force est armée contre les traîtres, sans doute ; mais les traîtres où sont-ils ? Dans la Convention même. Quant aux autres propositions. .. »

Vergniaud : « Concluez… »

Robespierre : « Je conclus, et contre vous… Contre vous qui, après la révolution du 10 août, vouliez mener à l’échafaud ceux qui l’avaient faite ; contre vous qui provoquez la destruction de Paris, vous, complices de Dumouriez… »

Sa fureur était si grande qu’il ne s’apercevait pas que ce torrent d’invectives pouvait avoir un résultat immédiat et tragique. Lancé sur un homme déjà en péril et sous le couteau, l’issue pouvait être, non pas de le mettre en accusation (comme le demandait