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aigre plaidoirie pour la civilisation, laissait voir à ses côtés une masse de sauvages armés de bâtons, de piques. Il avait à peine fini que cette foule bruyante força la barre de l’Assemblée, inonda la salle. Il semble pourtant que ce fut moins un acte d’hostilité qu’une sorte de bonhomie barbare ; ils envahirent, non la droite, mais le côté qu’ils aimaient, le côté des Montagnards ; ils se précipitèrent sur eux pour fraterniser. Un dantoniste cria que le président devait les inviter à se retirer. Levasseur, avec plus de présence d’esprit, engagea les Montagnards à se réfugier aux bancs peu garnis de la droite, et toute la Montagne y passa.

Personne, ni les dantonistes, ni les Girondins, ni le centre, ne voulait plus délibérer. Le groupe seul des robespierristes paraissait se résigner à l’invasion populaire.

Vergniaud proposa que la Convention abandonnât la salle et se mît sous la protection de la force armée qui était au Carrousel. Lui-même descendit de sa place ; il sortit… mais presque seul…

Le centre resta cloué à ses bancs. Le mouvement du jeune orateur appelant la Convention à s’affranchir elle-même, quittant ce lieu de servitude, secouant la poussière de ses souliers et cherchant la liberté sous le ciel, n’eut aucun effet sur le centre ; il renouvela, irrita l’envie sournoise des meneurs muets, des Sieyès et autres. Ils comprirent que, comme il n’est qu’un pas du sublime au ridicule, il leur suffisait de rester, de ne rien entendre, ne rien