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pouvoir du peuple souverain. Tout cela sur une équivoque. Les délégués de sections y avaient été envoyés avec des pouvoirs non définis, parce qu’ils traitaient d’affaires diverses. Indéfinis et illimités, n’était-ce pas la même chose ? L’Évêché ne demandait pas mieux qu’on le crût ainsi[1]. Les procès-verbaux indiquent naïvement l’incertitude et l’embarras où se trouvaient les sections.

La scène la plus curieuse est celle qui se passa, le 29, aux Droits-de-l’Homme. Cette section, l’une des plus violentes, hésite pourtant quand on veut lui faire nommer, des commissaires avec pouvoir illimité : « Encore, disent quelques-uns, serait-il bon de savoir ce qu’on veut en faire. » Mais Varlet entre dans la salle, Varlet récemment délivré, Varlet le héros, la victime, se glorifiant lui-même et célébrant son triomphe. Le trop modeste martyr se donnait lui-même la palme civique. Une fille portait

  1. L’Évêché fut plus habile qu’on ne l’eût attendu d’une telle assemblée. Pour obtenir que les sections lui envoyassent de nouveaux délégués, il varia les moyens, selon le caractère des sections. Il en invita plusieurs, non par lui-même, mais par l’intermédiaire d’autres sections amies, voisines, qui pouvaient les entraîner ; l’Arsenal, par exemple, fut prié par les Quinze-Vingts d’envoyer à l’Évêché. À ceux qui demandaient le but de la réunion, on faisait diverses réponses ; aux timides on répondait que c’était uniquement pour dresser une pétition contre le règlement qui fermait les assemblées à dix heures du soir, aux autres on avouait que c’était pour prendre des mesures qu’exigeait le salut public. Bonconseil, Bondy, envoyèrent, mais seulement pour pétitionner. Les Amis de la Patrie envoyèrent, seulement pour délibérer. Les Piques (place Vendôme, la section où demeurait Robespierre) nommèrent bien des commissaires, mais ne les firent point partir. L’Observatoire se montra, de toutes les sections, la plus dédaigneuse pour l’Évêché. Elle ne voulut pas croire les envoyés de Maillard, leur demanda leurs pouvoirs, les prit pour les examiner, et les leur rendit ornés de vers de Voltaire, de quolibets, de chansons.