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parle rapidement… Un mot jaillit du cœur : « Oui, je me suis souvent trompé ! Sept des vingt-deux furent mes amis. Hélas ! soixante amis vinrent à mon mariage ; tous sont morts ou émigrés !… Il ne m’en reste que deux, Robespierre et Danton. » Un silence général se fit ; un silence ému, plein de larmes. Chacun étouffait.

Il avait vaincu. Robespierre vint alors à son secours ; il rappela, avec une inconvenance cruelle pour cet homme gracié : « Qu’il avait été l’ami des Lameth, des Mirabeau, des Dillon, mais qu’enfin, s’il se faisait des idoles, il était prompt à les briser. »

Clootz fut chassé, Camille admis. Ce qui revenait au même. Tous deux allaient à la mort.

Un pouvoir terrible avait apparu dans ces deux séances, terrible surtout par le vague et l’indécision. On n’avait rien objecté de sérieux à Clootz, sauf une hérésie… « Clootz a toujours été en deçà ou au delà de la Révolution. » Et ailleurs : « Rien ne ressemble plus au fédéraliste que le prédicateur intempestif de l’indivisibilité. » On pouvait donc errer de deux manières : être hérétique par le degré ou seulement par le temps, par le défaut d’à-propos. Qui pouvait répondre de trouver justement la ligne précise où il fallait se tenir pour marcher droit dans la voie du salut révolutionnaire ? La Révolution étant devenue cette chose fine et déliée, la règle étant si délicate, si difficile à déterminer, une casuistique nouvelle commençait, un arbitraire infini sur les cas particuliers.