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Souvenons-nous que Camille, le premier écrivain du temps, était un peu bègue, partant très timide, incapable de plaider sa cause devant cet illustrissime assemblée des Jacobins. Il fallait que quelqu’un parlât pour lui ; il espérait, s’il frappait Clootz, que ce quelqu’un secourable serait Robespierre. Il écrivit, imprima « que le Prussien Clootz était cousin de l’Autrichien Proly », fils du prince de Kaunitz, « que Clootz et Chaumette étaient deux pensionnaires de la Prusse », etc.

Ce pamphlet était d’autant plus cruel que, la veille de la publication, on avait guillotiné les Vandenyver, amis et banquiers de Clootz.

La besogne de Robespierre était bien simplifiée. Il fondit comme l’épervier sur un oiseau lié d’avance, mordit la proie par l’endroit tendre, celui qui irritait l’envie, appelant Clootz un baron prussien de cent mille livres de rentes (en réalité, il en avait douze, placées en biens nationaux). Du reste il suivit Desmoulins, se moqua du citoyen du Monde, de la République universelle. Parmi ces basses risées, brillait un morceau pleureur dans le genre du crocodile : « Hélas ! malheureux patriotes ! Nous ne pouvons plus rien faire, notre mission est finie… Nos ennemis, élevés au-dessus de la Montagne, nous prennent par derrière… Veillons ! la mort de la Patrie n’est pas éloignée ! »

Ce mouvement calculé, cette voix, visiblement fausse, détonnait horriblement. La société restait morne, inerte comme une pierre. Mais le pauvre