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guêpe envenimée, il arriva, le 12 au soir, faible, chancelant, vacillant, et trouva tous les Jacobins armés du pamphlet terrible ; ces choses, les plus aiguës qui soient dans la langue française, peuvent s’appeler d’un nom précis, l’assassinat par la presse. Robespierre trouva son homme mûr pour la mort, suffisamment attendri, mortifié ; avec infiniment de grâce et de facilité, il enfonça le couteau.

Il savait que Clootz était tué d’avance ; Camille lui avait lu son rouvre. Ce grand artiste, très faible, incarnation misérable de la faiblesse du temps, était dans un accès de peur. Et c’est ce qui lui donnait une force incroyable : la peur de tous était en lui. La violente, l’ignoble séance où Danton faillit périr, mordu des plus vils animaux, avait ébranlé le cerveau du pauvre Camille. Il n’avait d’autre religion que. Danton en ce monde ; Danton de moins, il périssait. Il se jeta à corps perdu du côté de Robespierre, qui avait défendu Danton, l’embrassa comme un autel. « mon cher Robespierre ! ô mon vieux camarade de collège ! » etc. Camille, et Danton peut-être, se figuraient follement, comme on croit ce qu’on désire, qu’ils feraient entrer Robespierre dans leur complot de clémence. La douceur de Couthon à Lyon et quelques autres indices en donnaient un faible espoir. Sur cet espoir incertain, ils lui donnèrent sur-le-champ un gage réel et solide, l’abandon complet de la question religieuse et la mort de Clootz.