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Les grands coupables ayant presque tous émigré, ce tribunal expédiait généralement les pauvres diables qui avaient crié : Vive le Roi ! ou envoyé une lettre à un émigré. On réparait la qualité par la quantité. Et il en résultait seulement qu’en voyant tomber pêle-mêle tant de gens obscurs, et obscurément, sommairement jugés, on les croyait tous innocents.

Un seul procès, un seul exemple, mis en grande lumière, éclairci avec force et grandeur, entouré d’une grande publicité, aurait produit infiniment plus d’effet que beaucoup de morts obscures. « Un saumon vant cent grenouilles », disait très bien le duc d’Albe.

Le procès de la Du Barry, habilement conduit, repris dans tous ses précédents, avec ses ornements naturels du Parc-aux-Cerfs, des millions jetés aux filles, avec ses rapprochements légitimes des vols immenses, des guerres de la Pompadour, — enfin l’ouverture totale de l’égout de Louis XV, — le tout tiré à six cent mille, eût été plus efficace contre le royalisme que de guillotiner par vingtaines des domestiques, des porteurs d’eau ivres ou de vieilles femmes idiotes.

Les patriotes de Laval écrivirent que les prêtres vendéens avaient fait rôtir des hommes, nourri les feux des bivouacs de leur armée fugitive avec de la chair humaine. Si le fait était exact, on ne devait pas fusiller dans un coin ces cannibales, il fallait les amener au grand jour de Paris, les