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Une scène infiniment touchante fut celle d’une adoption ; un caporal des vétérans vint présenter une enfant, fille d’un guillotiné qui avait laissé huit enfants. Ce brave homme demandait si, en adoptant la fille d’un coupable, il n’agissait pas contre la Patrie. Chaumette prit l’enfant dans ses bras et l’assit à côté de lui. « Heureux exemple, dit-il, des vertus de la République !… Nous les voyons déjà paraître, ces vertus douces qui partout se mêlèrent à l’héroïsme de la liberté. Ici ce n’est plus l’adoption d’orgueil, celle des patriciens de l’Antiquité, les Scipions entés sur les Paul-Émile : c’est la raison qui dérobe l’innocence à l’ignominie du préjugé. Citoyens, joignez-vous tous à ce bon et vieux soldat ! Orpheline par la loi, qu’elle reçoive, cette enfant, dans vos embrassements paternels l’adoption de la Patrie. »

Cette séance porta un fruit admirable. La Convention créa un hospice des Enfants de la Patrie. C’est ainsi qu’on nomma ceux des condamnés.

Événement de grande portée. Il attaquait dans son principe les croyances du Moyen-Âge, dont la base n’est autre que l’hérédité du crime. Cette aurore de modération et d’humanité éclaira le dissentiment secret d’Hébert et de Chaumette. Le premier voulait tendre l’arc, déjà horriblement tendu. Chaumette voulait détendre.

Le 4 novembre, la section du Luxembourg, dirigée spécialement par Hébert et Vincent, lança un frénétique arrêté pour publier les noms de tous ceux