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Ce qui reste des lettres inédites de Vergniaud témoigne de l’inquiétude singulière du grand orateur : c’était la difficulté de payer sa blanchisseuse.

Au jour même de leur mort ou le lendemain, la lumière s’est faite. Danton, Camille Desmoulins, les ont amèrement pleurés. Dumouriez, leur prétendu complice, les honore de ses injures dès 1794. Il en est de même de Mallet du Pan (voir plus haut), et de tous les royalistes ; tous exècrent la Gironde, comme la République elle-même. Garat, le faible Garat, après le 9 thermidor, avoue tardivement dans ses Mémoires l’innocence de la Gironde.

Le cœur de la France elle-même s’est échappé dans les paroles douloureuses de Joseph Chénier, lorsqu’il répondit en 1795 aux hommes impitoyables qui fermaient encore l’Assemblée aux Girondins survivants : « Ils ont fui, dites-vous ? Ils se sont cachés, ils ont enseveli leur existence au fond des cavernes ?… Eh ! plût aux destinées de la République que ce crime eût été celui de tous !… Pourquoi ne s’est-il pas trouvé de caveaux assez profonds pour conserver à la patrie les méditations de Condorcet et l’éloquence de Vergniaud ! Condorcet, Vergniaud, Rabaut-Saint-Etienne, Camille Desmoulins, ne veulent point d’holocaustes sanglants. Les républicains pardonnent leur mort, si la République est immortelle. Union, Liberté, République, voilà le ralliement de la France, le vœu des morts, le cri qui sort des tombeaux ! »

L’unité sous peine de mort, telle avait été la condition de la France en mai 1793 ; c’est ce que purent