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voit-elle ? Le roc où tant d’alluvions se sont déposées peu à peu, le Logos ou Verbe platonicien, l’idée de la Raison vivante.

Comme une île du sud qui fut jadis fertile, et que le corail peu à peu a couverte de sa riche et stérile fructification… arrachez tout ce luxe aride… rendez le soleil à la terre et les rosées du ciel. Elle sera féconde encore.

Cette révolution nécessaire du dix-huitième siècle donne en métaphysique Kant et la Raison pure ; en pratique, la tentative religieuse de Romme et d’Anacharsis Clootz, le culte de la Raison.

Culte mathématique dont les voyants seraient les Newton et les Galilée. Culte humanitaire dont les pères sont les Descartes et les Voltaire, les bienfaiteurs du genre humain.

Dans quels sens différents comprit-on le mot de Raison ?

Tels n’y voyaient que la raison humaine. Possédés du besoin critique d’une époque de lutte, ils ne cherchaient guère dans la vérité qu’une négation de l’erreur, une arme pour briser le vieux monde.

D’autres, spécialement certaines sociétés populaires, déclarent que par Raison ils entendent la raison divine et créatrice, autrement dit l’Être suprême.

Entre la divine et l’humaine, où sera la limite ? Les idées nécessaires (cause, substance, temps, espace, devoir), qui sont en nous, mais non notre