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temps, célébrant l’ère nouvelle, la plus grande qu’ait vue planète depuis son premier jour.

Les vingt mille hommes, divisés en douze groupes selon les âges, représentaient les mois. L’armée défilait variée en visages humains, jeune et riante d’espérante, puis mûre et grave, enfin aspirant au repos. Les vainqueurs de la vie, ceux qui ont dépassé leurs quatre-vingts années, en un petit groupe sacré, étaient les jours complémentaires qui ferment l’année républicaine. Le jour ajouté au bout des quatre ans dans ce calendrier avait la figure vénérable d’un centenaire qui marchait sous un dais. Derrière ces vieux courbés sur leurs bâtons venaient les tout petits enfants, comme la jeune année suit la vieille, comme les générations nouvelles remplacent celles qui vont au tombeau.

La grâce de la fête était le bataillon des vierges, avec cette devise, touchante dans un si grand danger : « Ils vaincront ; nous les attendons. » Étaient-ce leurs amants ? ou leurs frères ? La bannière virginale ne le disait point.

Tous les métiers qui font le soutien de la vie humaine consacrèrent leurs outils en touchant l’arbre de la liberté.

Le centenaire prit la constitution et la leva au ciel. Autour de lui, au pied de l’arbre, les vieillards siégèrent et prirent un repas. Les vierges, les jeunes gens, les servaient. Le peuple faisait cercle, entourant d’une couronne vivante la table sacrée, bénissant les uns et les autres, et ses pères et ses enfants.