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Il était facile de dire avec Platon et le platonisme chrétien : La Sagesse (le Logos ou Verbe) est le Dieu du monde. Mais comment fonder son autel, quand l’apparente discordance de son œuvre ne nous montrait rien de sage ?

Le génie stoïcien de Romme, sa foi austère dans la Raison pure apparaît dans son calendrier. Nul nom de saint, ni de héros, rien qui donne prise à l’idôlatrie. Pour noms des mois, les idées éternelles : Justice, Égalité, etc. Deux mois seuls étaient nommés de leurs dates sublimes : juin s’appelait Serment de Jeu de paume, et juillet, c’était la Bastille.

Du reste, rien que des noms de nombres. Les jours et les décades ne se désignent plus que par leur numéro. Les jours suivent les jours, égaux dans le devoir, égaux dans le travail. Le temps a pris la face invariable de l’Éternité.

Cette austérité extraordinaire n’empêcha pas le nouveau calendrier d’être bien reçu. On avait faim et soif du vrai. Une fête prodigieuse de tous les départements du Nord eut lieu à cette occasion, le 10 octobre, à Arras, fête astronomique et mathématique, où la terre imita le ciel ; elle n’eut pas moins de vingt mille acteurs qui figurèrent dans une pompe immense les mouvements de l’année. Tout cela, six jours avant la bataille qui délivra la France, si près de l’ennemi, dans cette attente solennelle !… Devant la Belgique idolâtre, devant l’armée barbare qui nous rapportait les faux dieux, la France républicaine se montra pure, forte, paisible, jouant le jeu sacré du