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avec une dureté cruelle et choquante dans celle des Cordeliers.

L’ange noir des Cordeliers est dans le scélérat Ronsin, dans Hébert, muscadin fripon, masqué sous le Père Duchesne, dans le petit tigre Vincent.

L’ange blanc des Cordeliers fut dans l’infortuné, l’innocent, le pacifique Anacharsis Clootz, l’orateur du genre humain, homme du Rhin, frère de Beethoven, Français, hélas ! d’adoption.

Cette blessure saigne en moi, et elle saignera toujours : la mort des étrangers illustres mis à mort pour nous, par nous !

Ah ! France ! quelle chose es-tu donc, et comment te nommerai-je ?… Tant aimée !… Et combien de fois tu m’as traversé le cœur !… Mère, maîtresse, marâtre adorée !… Que nous mourions par toi, c’est bien ! que tu nous brises, c’est toi-même ; tu n’entendras pas un soupir. Mais ceux-ci, qui, si confiants, vinrent d’eux-mêmes se mettre en tes bras, âmes d’or, âmes innocentes qui n’avaient plus vu de frontières, qui, dans leur aveugle amour, ne distinguaient ni Rhin ni Alpes, qui ne sentaient plus la patrie qu’en la déposant aux genoux de leur meilleure patrie, la France !… ah ! leur destinée laisse en moi un abîme de deuil éternel[1] !

  1. Qui sentait nos cruelles discordes ? Eux, autant, plus que nous peut-être. Nous en avions la fureur, ils en avaient le désespoir.

    Nous fûmes très mal pour Mayence. Custine, dans la brutalité d’un soldat, d’un grand seigneur, alla jusqu’à menacer le président de la Convention mayençaise. Des deux envoyés de Mayence, Adam Lux voulait se tuer au 31 mai,