fatalité, frères dans l’amour d’une femme, frères dans ce frénétique amour de la France qui les précipita au crime, embrassaient cette commune guérison de la vie qui allait les unir encore. Ils chantaient en furieux et sur la triste voiture, et descendant sur la place, et remontant sur l’échafaud ; la pesante masse de fer put seule étouffer leurs voix.
Le chœur allait diminuant, à mesure que la faux tombait. Rien n’arrêtait les survivants. On entendait de moins en moins dans l’immensité de la place. Quand la voix grave et sainte de Vergniaud chanta la dernière, on eût cru entendre la voix défaillante de la République et de la Loi, mortellement atteintes, et qui devaient survivre peu.
Les assistants des débats, les spectateurs du
supplice, furent également émus, mais, s’il faut le
dire, l’impression fut assez faible dans Paris. Ce
grand et terrible événement n’entraîna pas l’agitation
qu’avait excitée l’affaire de Custine, si peu
importante relativement. Les morts stoïques affectaient
peu. Les masses jugeaient ces tragédies uniquement
au point de la sensibilité. Les larmes
que le vieux général versait sur ses moustaches
grises, sa dévotion attendrie et l’étreinte de son
confesseur, son intéressante belle-fille qui l’avait
entouré, défendu de sa piété filiale, tout cela
faisait un tableau touchant de nature et de fai-