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coup sont au-dessous d’eux-mêmes. Et Ton avait eu soin de défendre qu’on donnât désormais aucun cordial aux condamnés. Le cadavre déjà livide de Valazé, mis dans les mêmes charrettes, la tête pendante, sur un banc, était là pour énerver les cœurs, réveiller l’horreur de la mort ; ballotté misérablement à tous les cahots du pavé, il avait l’air de dire : « Tel je suis, et tel tu vas être. »

Au moment où le funèbre cortège des cinq charrettes sortit de la sombre arcade de la Conciergerie, un chœur ardent et fort commença en même temps, une seule voix de vingt voix d’hommes qui fit taire le bruissement de la foule, les cris des insulteurs gagés. Ils chantaient l’hymne sacré : « Allons, enfants de la Patrie !… » Cette patrie victorieuse les soutenait de son indestructible vie, de son immortalité. Elle rayonnait pour eux dans ce jour obscur d’hiver, où les autres ne voyaient que la boue et le brouillard.

Ils allaient forts de leur foi, d’une foi simple, où tant de questions obscures qui devaient surgir depuis ne se mêlaient pas encore.

Forts de leur ignorance aussi sur nos destinées futures, sur nos malheurs et sur nos fautes.

Forts de leur amitié, la plupart allaient deux à deux et se réjouissaient de mourir ensemble. Fonfrède et Ducos, couple jeune, innocent, frères par l’hymen de deux sœurs, n’auraient pas voulu de la vie pour survivre séparés.

Mainvielle et Duprat, couple souillé, voué à la