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On dédaigna toutes les formalités, usitées encore à cette époque au tribunal révolutionnaire. Point de pièces communiquées. Les accusateurs (Hébert et Chaumette) reçus comme témoins. Aucune défense d’avocat. Plusieurs des accusés ne purent parler, chose bien nécessaire pourtant dans un procès où l’on accolait ensemble des hommes accusés de crimes tout différents, les uns de faits, les autres de paroles, quelques-uns d’opinions.

Ce qui fut très choquant, ce fut de voir arriver pour accabler les vingt-deux, morts d’avance, jugés pour la cérémonie, des hommes eux-mêmes en péril, et qui, sous le coup d’une extrême peur, croyaient racheter leur vie en se faisant bourreaux.

Desfieux, que l’on a vu tout à l’heure arrêté et violemment délivré par Gollot, par l’émeute de la société jacobine, Desfieux, terrifié de son succès et sentant qu’il serait repris, vint jeter une pierre à ces mourants. Il imagina de les accuser d’avoir fabriqué une lettre pour le perdre, lui, Desfieux ! « Eh ! mon ami, lui dit Vergniaud, si nous avions eu intérêt à perdre quelqu’un, ce n’était pas toi, c’était Robespierre. »

Chabot était dans le même cas. Il n’était nullement cruel, et quand Garât alla prier Robespierre pour les Girondins, Chabot, qui était là, laissa voir de l’intérêt pour eux. Mais l’ex-moine, homme de chair, paillard, lâche et bas, mourait de peur, faisant en même temps ce qu’il fallait pour mourir. Il se faisait riche, engraissait, épousait une fille de