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Crancé allait trouver un accueil sympathique. Avec lui arrivait de Lyon l’ami de Chalier, le second Chalier, la victime des Girondins, Gaillard, qui, pendant tout le siège, était resté dans les cachots, et qui, n’espérant rien de Couthon, venait demander vengeance à l’Assemblée, aux Jacobins.

Dubois-Crancé arriva le 19 avec Gaillard. Et ce jour même où Robespierre avait à redouter cette terrible accusation de modérantisme, paraissait un violent rapport de Phelippeaux contre la protection que Robespierre avait donnée, en septembre, à Ronsin, aux exagérés.

Il était pris de deux côtés.

Mais ce même jour, 19 octobre, tomba, comme du ciel, la nouvelle de la victoire.

Robespierre était sauvé, l’effort de ses ennemis atténué. Dubois-Crancé, reçu à la Convention, n’obtint pas même d’y parler. Aux Jacobins, amené par Collot, il montra beaucoup de prudence, se justifia, sans accuser. Il flatta les Jacobins en leur offrant le drapeau lyonnais qu’il avait pris de sa main. Et avec tout cela la société restait froide. Gaillard même, l’ombre de Chalier, Gaillard vivant, en personne, que Collot menait et montrait comme les reliques d’un saint, Gaillard produisit peu d’effet. Avant qu’on le laissât parler, on fit passer je ne sais combien d’incidents minimes et de froids discours. Il parla enfin avec une âpreté extrême, et contre tous ; il parla avec une sécheresse désolée, une brièveté désespérée. Un mois après il se tua.