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Cette fois encore, c’était un Jemmapes, mais infiniment agrandi ; armée triple et victorieuse, position bien plus redoutable, localités plus âpres. Cobourg, en amateur, parcourant cet amphithéâtre, cet enchaînement admirable de postes, de barrières artificielles et naturelles, de forces de tout genre qui se liaient et se prêtaient appui, s’écria : « S’ils viennent ici, je me fais sans-culotte. »

Le mot ne tomba pas. Reporté aux Français, il excita chez eux une incroyable ardeur de convertir l’Allemand et de lui faire porter le bonnet rouge. Leurs bandes traversaient la ville d’Avesnes, en chantant à tue —tête les chants patriotiques ; ces drôles sans souliers étaient les conquérants du monde.

Le 14, lorsque Maubeuge commençait à recevoir les bombes autrichiennes, elle crut, dans les intervalles, entendre le canon au loin. Et elle avait raison. Carnot et Jourdan étaient devant l’ennemi ; on se regardait, se tâtait. Plusieurs voulaient sortir de Maubeuge et se mettre de la partie. Mais d’autres craignirent une surprise, une trahison : on ne sortit pas.

Lorsque Carnot arriva, portant en lui une si énorme responsabilité, la nécessité de la France, la vie ou la mort de la République, la cause des libertés du monde, ce grand homme, avant tout honnête homme, eut un scrupule et se demanda s’il fallait risquer l’enjeu complet, mettre le monde sur une carte. Il voulut attaquer d’abord sur toute