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de 1793, on immole les apôtres de la Raison et Paris ! Quel est donc l’individu pour lequel on tue tant de choses ? Un grand homme ? Je le veux bien. Et je l’ai nommé ainsi, mais pas avant que je ne l’eusse enseveli près de Danton. Hélas ! j’ai bien abîmé Danton dans ses lâchetés. Pouvais-je ménager Robespierre ?

Je ne sais combien de peuples et d’Europe et d’Amérique, Haïti, etc., parmi leurs agitations, se posent cette question : « Quel sera le prochain tyran ? »

Car c’est une maladie. Le tyran naît du tyran.

Le tyran bavard, jacobin, amène le militaire. Et le tyran militaire ramène le tyran jacobin.

Ceux qui si énergiquement nous refont l’autel jacobin sont les apôtres involontaires de la tyrannie militaire. Beaucoup de gens disent : « Après tout, j’aime autant être fusillé. »

Heureusement le temps avance. Nous sommes un peu moins imbéciles. La manie des incarnations, inculquée soigneusement par l’éducation chrétienne, le messianisme passe. Nous comprenons à la longue l’avis qu’Anacharsis Clootz nous a laissé en mourant : « France, guéris des individus. »


1er janvier 1869.