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son, par la vallée âpre et boisée de la Sèvre nantaise, beaux lieux, pleins de danger, qui déjà en septembre étaient noyés de pluies et n’offraient que d’affreux chemins.

Le souci de Kléber, c’était de conserver l’honneur de l’armée de Mayence, d’empêcher tout pillage. Le pays était généralement abandonné ; les biens de la terre étaient là qui tentaient le soldat. Prendre en Vendée, était-ce prendre ? Chaque nuit, il faisait bivouaquer dans les prés fermés de barrières et de grands fossés d’eau. Là il se mettait à écrire, notant avec la complaisance d’un ami de la nature les paysages charmants, les échappées de vue qu’il rencontrait dans ce pays fourré, les belles clairières des forêts qui n’avaient pas encore perdu leurs feuilles, les grandes prairies où erraient des troupeaux qui n’avaient plus de maîtres. Puis viennent des paroles pleines d’humanité et de mélancolie « sur le sort de ces infortunés qui, fanatisés par leurs prêtres, deviennent des furieux altérés de sang, repoussent les biens qui venaient à eux et courent à leur ruine ».

Nul retour sur lui-même, ni sur son propre sort.

Pendant qu’il avance ainsi avec confiance, la Vendée l’attend, tapie dans ses bois. Le sanglier, désespéré, furieux, est dans sa bauge, immobile et prêt à frapper. Toute la grande masse vendéenne était tournée vers Kléber, suivant à la lettre le mot qu’avait dit le rusé Bernier : « Éreintez Mayence et moquez-vous du reste. » Ils obéirent autant qu’il fut en eux. Il était entendu, et dans l’armée d’Anjou et