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royalistes, la Vendée menacée pour rien ? Quel rire ! quelles gorges chaudes ! Canclaux était forcé de marcher en avant.

Si Ronsin eût en même temps fait écrire Rossignol à son lieutenant Chalbos que l’on ne devait pas seconder Canclaux, tout eût été moins mal. On eût arrêté ce tocsin qui, dans toute la basse Vendée, faisait partir les hommes. Mais point. La lettre de Rossignol à Canclaux fut écrite le 14, et la lettre au lieutenant Chalbos deux jours plus tard, le 16, de sorte que ce grand mouvement continua, et que Canclaux, qui l’entendait, dit : « N’importe ! si Rossignol n’agit pas de Saumur, ici près, son lieutenant, avec la levée en masse, va nous soutenir et nous seconder. » Ainsi il s’enfourna, lui, Kléber, l’armée mayençaise, en pleine Vendée. C’est ce qu’on voulait.

N’eût-il que cette armée, il se sentait très fort. Quand il les vit réunis, ces dix mille, il fut étonné. Troupe unique, admirable, qui ne s’est retrouvée jamais, ardente comme en 1792, solide comme 1793, aussi manœuvrière que les armées impériales. Cette armée avait en elle la force et la gravité d’une idée, la conscience d’avoir couvert la France tout l’été, à Mayence, et de l’avoir relevée dans l’estime de l’Europe. Elle avait la ferme espérance de finir la Vendée. Elle-même y est restée malheureusement presque entière, trahie, assassinée.

Nommons un des soldats, Lepic, créature honnête, s’il en fut, innocente, héroïque, qui resta sous l’Em-