Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/377

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marchés commençaient aussi à s’en mêler. Ils regrettaient tout haut « le pain du roi ».

Les subsistances arrivaient lentement, difficilement ; chacun craignait la famine et, en la craignant, la faisait. Les malheureux travailleurs, après les fatigues du jour, passaient la nuit à faire queue aux portes des boulangers. Les procès-verbaux des sections les plus pauvres de Paris, que j’ai sous les yeux, se résument en bien peu de mots, navrants, qui font saigner le cœur : la faim et la faim encore, la rareté du pain, nul travail, chaque famille ayant perdu son soutien, plus de fils pour aider la mère ; tous aux armées. Le mari même souvent parti pour la Vendée. Toute femme délaissée et veuve. Elles étouffent aux portes des ateliers de la Guerre pour avoir un peu de couture ; elles viennent avec leurs enfants pleurer à la section.

Ces grandes souffrances du peuple donnaient une prise très forte aux royalistes. Plusieurs choses les encourageaient, l’inertie surtout et la mésintelligence des autorités.

La Convention presque entière était en missions ou dans les Comités. Il n’y avait que deux cents membres aux séances publiques. Les Jacobins étaient peu nombreux et comme retombés depuis le départ des fédérés. Robespierre, depuis son attaque inconsidérée contre les dantonistes, s’était retiré dans une position expectante, qui le dispensait d’initiative, la présidence de la Convention et des Jacobins. Ses votes, dans le mois d’août, sont tous négatifs. Le 1er, à la proposi-