Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/367

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Comité lui montra une confiance sans réserve. Il obtint que la Convention défendît aux ministres d’envoyer aux armées ces agents qui neutralisaient l’action des représentants du peuple. Coup hardi, qui décidément subordonnait le ministère. Les hébertistes n’osèrent crier, mais ils firent parler Robespierre. Il défendit leur ministre, déplora aux Jacobins le décret rendu par la Convention (23 août).

Carnot avait trouvé l’armée du Nord dans un état indicible. Le matériel n’existait point. Ni subsistances, ni équipement, ni habillement, ni charroi ; toute administration avait péri. C’est le tableau qu’en fait Robert Lindet, qui, arrivant en novembre, trouva les choses dans le même état et recréa, concentra heureusement tout ce mouvement.

Quant au personnel, il était prodigieusement inégal. On trouvait tout à côté les extrêmes : les meilleurs, les pires. Parmi ces troupes désorganisées, il y avait ici et là des forces vives, étonnantes, les hommes les plus militaires qui furent et seront jamais. Tout cela, il est vrai, caché encore dans les rangs inférieurs. Carnot, c’est une de ses gloires, eut l’œil clairvoyant, bienveillant, pour reconnaître ces hommes uniques, et il les porta quelquefois des derniers rangs aux premiers.

Divination merveilleuse du patriotisme ! cet homme aima tant la Patrie, il eut au cœur un désir si violent de sauver la France, que, devant cette foule où les autres ne distinguaient rien, lui, par une seconde vue, il connut, sentit les héros !