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Danton était un esprit trop positif pour croire que cette opération gigantesque aboutirait à temps. Et, en effet, les deux victoires qui nous sauvèrent (7 septembre, 16 octobre) furent gagnées par d’autres moyens, par des troupes toutes formées qu’on porta à l’armée du Nord. Mais la réquisition n’en contribua pas moins à la victoire, par son puissant effet moral. Dans ces mémorables batailles, nos soldats eurent le sentiment de cette prodigieuse arrière-garde d’une nation entière qui était là debout pour les soutenir ; ils n’eurent pas avec eux les masses du peuple, mais sa force, son âme, sa présence réelle, la divinité de la France. L’étranger s’aperçut que ce n’était plus une armée qui frappait : au poids des coups, il reconnut le dieu.

Voici le texte du décret :

« Tous les Français sont en réquisition permanente… Les jeunes gens iront au combat ; les hommes mariés forgeront des armes et transporteront des subsistances ; les femmes feront des tentes, des habits et serviront les hôpitaux ; les enfants feront la charpie ; les vieillards, sur les places, animeront les guerriers, enseignant la haine des rois et l’unité de la République. »

Ceci entrait dans la passion, donnait la grande idée de la levée en masse. L’effet moral était produit. Un article ramenait la chose aux proportions où elle était utile : « Les citoyens non mariés, de dix-huit à vingt-cinq ans, marcheront les premiers. »