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La Commune, en établissant aux Jacobins les fédérés envoyés pour la fête, avait fait une toute autre chose que celle qu’elle croyait faire. Loin que les fédérés suivissent la politique jacobine, ce furent les Jacobins qui gagnèrent l’enthousiasme des fédérés. Ceux-ci, vraie fleur des patriotes, envoyés par la France émue, accueillis, embrassés par la Convention, ivres de Paris, de la fête et du danger public, enlevèrent la société jacobine à la sagesse de ses meneurs ordinaires. Dans une atmosphère si brûlante, le dévouement complet du peuple au peuple, l’armement, le départ de vingt-cinq millions d’hommes, la France tout entière devenant Décius, cette grande et poétique idée parut chose très simple. Royer, curé de Chalon-sur-Saône, voulait de plus que les aristocrates, liés six par six, marchassent en première, ligne au feu de l’ennemi. La levée en masse fut ainsi votée d’enthousiasme aux Jacobins, et dans un tel élan que Robespierre n’essaya plus d’y contredire ; il engagea Royer à rédiger l’adresse à la Convention.

Interrompre tous les travaux, laisser les champs sans culture, suspendre l’action entière de la société, c’était chose nouvelle ; l’Assemblée croyait devoir y regarder à deux fois. Le Comité de salut public suivit l’impulsion en la modifiant, avec des mesures dilatoires. Mais Danton insista, il se fit cette fois encore l’orateur et la voix du mouvement populaire. 11 se l’appropria. Il formula toutes les grandes mesures et les fît voter.